Chapitre 11

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Michael survola un immense désert rouge, sous un ciel bleu électrique. Le clash des deux couleurs, contraires mais complémentaires, éveilla son esprit embrumé. Sur l’horizon, el aperçu quatre monts immenses, fumants. L’air vibrait tout autour. La terre grondait. Des voix inconnues, ressurgies d’un passé secret, résonnèrent. 

⚳ — Les oracles-guerriers sont emprisonnés sous Olympus, libérons-les, et els nous serviront. Nous arriveront à temps. Je te le promet, Kokab. 

— Sandalphon a brisé nos défenses, répondit l’azoha Kokab. Les éléites arrivent. Els vont sacrifier les sœurs que je protège. Et mon époux fera de moi une de ses armes monstrueuses. L’échec n’est pas permis. Êtes-vous sûrs de pouvoir maîtriser ces monstres gorgés de Sang d’Adam ?

— Mère, je mettrai toutes mes thaumaturgies en œuvre pour les dompter et en faire tes libérateurs. Je ferai tout pour me faire pardonner…

— Sandalphon ? 

Michael, dans l’urgence, se précipita vers les volcans. Mais trop tard, leurs sommets explosèrent, libérant des colonnes de cendres jusqu’au firmament. Les démons surgirent, colosses d’écailles, de plumes et de crocs… Non… Els n’étaient pas des démons. Els avaient des halos étincelants, des yeux brillants d’intelligence, mais aussi d’une joie sauvage, l’extase de la libération. Le sang de Michael ne fit qu’un tour. Il bouillonna, mais el vit alors que celui de ces élohim démoniaques aussi bouillonnait, rouge, ferreux. Le Sang d’Adam…

Une lumière enflammée couronna alors le plus grand des volcans, le plus grand démon-éloha. Michael reconnu la gloire de Sandalphon le Primogène, hurlant, pleurant, chevauchant la bête. Michael hurla de colère. Comment le Saint Père des vertu osait-el collaborer avec ces traîtres ? Mais alors qu’el comptait confronter le Primogène, le sang de Michael prit le contrôle, le transformant en monstre à son tour. Le Sang d’Adam était toujours dans ses veines, corrupteur. Michael se métamorphosa, un de ses cœurs éclata. El passa à l’attaque. La chair impure du démon céda sous ses dents, ses os craquèrent. Ses centaines d’yeux rouges éclatèrent dans la gueule de Michaël. Mais trop tard. Le démon-éloha se dégagea. Sandalphon s’échappa, trois oracles guerriers avec el. 

Michael se réveilla en sursaut. El haleta, trempé de sueur. Étouffé, el plaqua ses mains contre la surface de son lit-œuf, qui s’ouvrit. El en sortit brusquement et s’étala sur la moquette. Encore à bout de souffle, el s’allongea à même le sol pour reprendre doucement ses esprits. Encore un cauchemar, toujours un cauchemar. Depuis la reconquête de la Flèche, ces rêves sans queue ni tête ne le laissaient pas tranquille. Le jeune prince se prit la tête entre les mains, posa son front sur le sol.

— Stabilise-toi, observe les choses autour de toi, dit Nana à travers le réseau EL.

Michaël déglutit. El leva les yeux et retrouva sa chambre de nobl’aile, une des plus belles du Domitia. Baigné d’une lumière chaude, l’endroit rappelait le plus pur style hodien. Les murs et le sol étaient tapissés d’un sable si fin et doux qu’il semblait être de la soie. Le plafond était une mosaïque d’or et de diamants. Le lit était si grand qu’il pourrait accueillir un régiment de puissances. La vertu se releva pour aller s’allonger sur ses immenses draps mauves. Dans le miroir qui se dressait en face, Michaël pu s’observer.

Le jeune prince avait mauvaise mine et c'était peu dire. Ses traits étaient émaciés, ses yeux fiévreux et son teint habituellement halé était maintenant gris-vert. Ses longs cheveux noirs, qui avaient été démêlés la veille par Sasha, étaient sagement réunis en une tresse serrée qui descendait le long de son dos. El ne portait qu’un peignoir molletonné et une culotte de satin. Sa poitrine quant elle, était engoncée dans un plastron. Sous la surface de métal souple un seul cœur battait… dans une cavité béante.

Michaël posa sa main contre le plastron pour sentir les battements de son cœur solitaire. Les élohim avaient deux cœurs. Les primordieux, lors de la Grande Conception, avaient dupliqué presque tous les organes de leurs descendants, au cas où. Els avaient eu bien raison. Cela avait sauvé la vie de Michaël. Quand le démon… le "démon" dans la Flèche, l'avait transpercé de son dard, el n'avait détruit qu'un seul cœur. 

Michaël grimaça. Des douleurs brûlantes se réveillèrent partout dans son corps. Dans son épaule droite d’abord, qui avait été mordue par un démon, rien de moins. Sous les cataplasmes et les thaumaturgies de purification, la plaie continuait de pulser. Elle était si froide qu’elle brûlait. 

Michaël trembla à l’idée que des ténèbres aient pénétré son sang, sa chair. Voyant ses pensées s’assombrir, le jeune prince cacha son épaule et observa le reste de son corps. Il était couvert de stries dorées qui zébraient sa peau mate. Ces marques dataient d’avant son embarquement sur ce vaisseau maudit, avait affirmé Nana. Pourtant, Michaël ne les avait remarquées qu’il y a quelques jours seulement, après l'affrontement. 

— C’est la trace de c’que Burrhus t’a fait petit prince, avait expliqué Nana. Son feu sacré a martyrisé ton corps.Michaël, prit d’une lourde fatigue, se laissa tomber sur le lit. Son répit ne dura pas. Nana débarqua, les bras chargés de sacs en carton.

— Hello, hello, hello petit héros ! chanta-t-el.

D’un sourire béat, la vertu souffla en déposant ses emplettes. Michaël soupira, sentant sa force vitale fuir son corps. Si el n'était pas déjà allongée sur son grand lit, el se serait laissé tomber dessus avec encore plus de désespoir. Nana s’approcha de Michaël et parla plus doucement.

— Encore des cauchemars mmh ?

— Mmmh, grogna Michaël toujours allongé, en se cachant les yeux.

— Aww... Nous allons trouver une thaumaturgie contre ça le plus vite possible c’est promis. On a huit cent mille vertus à bord, on pourra bien en trouver une qui sait faire ça mmh ?

Michaël jeta un regard méfiant à Nana. Ce dernier était couvert d'hématomes de la tête aux pieds, ainsi que de blessures et même de morsures démoniaques. Ses deux chevilles étaient cassées, son bras droit aussi, et une de ses vertèbres était fêlée, figeant son cou. Heureusement, ses ailes étaient intactes. 

Par EL... El s'est bien abîmé ce con...

Au vu de son état, Michaël aurait pensé que Nana aurait été… frustré, en colère face au Fitzarch qui l'avait poussé à l'assaut. Pourtant, depuis la reprise de la Flèche, la vertu de Géhenna avait adopté une tout autre attitude. Malgré les frustrations qu'el avait exprimées avant et pendant l'assaut, el affichait maintenant une joie parfaite. Dès que Michaël avait repris conscience, el l'avait commencé à le chouchouter, le couvrant d'attentions et de gentillesses malgré son propre état. El lui parlait comme à un petit oiseau blessé qu'el s'était décidé à sauver. Michaël avait pensé que côtoyer un Nana plus coopératif serait un poids de moins sur ses épaules, mais rapidement, ce Nana là, excessivement aux petits soins, lui était devenu insupportable. 

Qu'est-ce que tu caches, espion ?

Nana flotta comme un ballon d'hélium pour se diriger sur le côté du lit, là où le lit-œuf médicalisé était installé. Juste à côté, sur un guéridon, était posé un gros bocal remplit d’un liquide doré. Nana l’ouvrit. El sortit une fiole de sa poche et y versa quelques gouttes d’un liquide rouge, le sang d’Adam. Puis el referma le bocal, l’agita doucement. Le contenu opaque devint transparent, révélant à l’intérieur un cœur élohien.

— Oh il est presque prêt, s’extasia Nana en étudiant l’organe du regard. On va pouvoir te l’implanter bientôt !

— Mmh…

— Aller un peu d’enthousiasme ! encouragea la vertu en trépignant. 

— Tu as encore foutu ton fichu sang d’Adam dedans ? grogna Michaël.

— Oui, mais c’est pour ton bien ! sourit Nana. Ça le fait pousser plus vite et ça le rendra bien plus résistant.

— Je n’en veut pas. Ton sang maudit m’a transformé en monstre durant l’assaut de la Flèche. Je ne me souvient même plus de ce qu’il s’est passé. 

Nana revint au chevet de Michaël et le fustigea :

— Tu dois changer ton état d’esprit petit prince, dit-el en prenant un ton soudainement sec, agressif. Sinon tu ne tiendras pas longtemps. Surtout à Guebourah. 

— Je n’ai pas besoin de ce truc !

— Le sang t’as sauvé la vie ! répliqua Nana. 

Michaël resta figé de surprise.

— T’en fais pas on va prendre soin de ton corps et de ton esprit, reprit Nana en reprenant soudainement une expression joyeuse. Tu dois être fort, jeune guerrier !

À ces mots, l’estomac de Michaël se retourna. El se redressa, passa la tête hors du lit et vomit trois litres d’ichor sur le sable.

— AH ! cria Nana. Oh non non non !

C’est là que trois autres vertus débarquèrent tout sourire. Els arboraient des halos de bronze et portaient de longues robes oranges, rehaussées de vestes blanches. Sur leurs poitrines étaient fièrement affichés les symboles de leurs chorales, qui ressemblaient à des caducées. Et pour cause, ces trois vertus étaient des médecins, les meilleurs que Zinebiel avait pu trouver à bord du Domitia. 

— Votre Altesse, salua l'un d'eux. Avez-vous bien dormi ? Oh…

— El a vomi, constata le deuxième.

Michaël secoua la tête en se redressant.

— Ne vous en faites pas, ça arrive ce genre de choses, rassura le troisième. Votre corps a bien souffert.

— Dans quelques jours tu seras rétabli, ajouta Nana, el même couvert de pansements. 

Du bout de leurs serres, les vertus-médecins tissèrent des thaumaturgies de soin et de nettoyage. Els auscultèrent Michaël, traitèrent ses blessures et re-scellèrent son plastron.

— Merci, souffla Michaël après chaque soin.

Les vertus commentèrent aussi le cœur dans le bocal.

— Plus que quelques jours avant la greffe. Vous serez en pleine forme pour notre arrivée à Guebourah.

Quelques minutes plus tard, Zinebiel vint au chevet de Michael. Lorsqu’el entra, Michael sentit immédiatement une tension entre el et Nana. Le Grand Capit’aile du Domitia fit mine de l’ignorer.

Zinebiel était habillé de son élégant uniforme et d’un large manteau, cachant les nombreux pansements thaumaturgiques qui parsemaient son corps. El affichait un sourire bienveillant, mais Michael vit dans ses yeux fatigue et appréhension. 

— Michael. Enfin me voilà. Navré de ne pas avoir pu te rendre visite plus tôt. 

— C’est rien… Tu as beaucoup à faire…

— Comment te sens-tu ? demanda Zinebiel. 

Toujours allongé, Michael haussa des épaules, éludant la question. 

— Michael est aussi fatigué que grognon, dit alors Nana. Mais cela ira mieux dès qu’el recevra son nouveau cœur. 

Zinebiel jeta un regard à l’organe en développement. El pinça les lèvres, son halo scintilla. 

— Tu as intérêt à prendre grand soin de ce jeune Fitzarch, agent de Géhenna, ordonna Zinebiel. El m’a sauvé la vie… Et sûrement sauvé ce vaisseau de la ruine. 

— Heureusement que nous sommes a bord, n’est-ce pas ? ironisa Nana. 

Ignorant Nana, Zinebiel vint s’asseoir sur le bord du lit. 

— Merci Michael… Merci d’avoir sauvé la Flèche. 

Les yeux du capit’aile brillaient, nimbés d’une émotion reconnaissante. Le jeune Fitzarch soupira, nerveux. El tenta d’esquiver le sujet. 

— Et toi ? Comment vas-tu ? Demanda-t-el à Zinebiel.

La domination perçut le malaise de Michael, mais répondit. 

— Je suis… occupé, sourit-el. Le Domitia se sécurise et se reconstruit. Des poches de démons persistent. Mais nous maintenons une certaine frénésie pour les dissuader d’attaquer. Notre milice réfléchit à des stratégies pour tirer ces démons de leur cachette spatio-temporelle et les purifier par le feu des séraphins.

Michael approuva. 

— C’est ce que Sasha m’a expliqué, dit-el. Le conflit ne fait que commencer, comprit la jeune vertu. Et il faut encore libérer la Sphère des navigateurs. A-t-on des nouvelles d’els ? 

— Pas de signes de vie, avoua Zinebiel. Tant que nous n’avons pas repris la Sphère, nous sommes aveugles, traversant un ciel agité et inconnu. Mais nous y parviendront, j’en suis certain. Ce n’est pas la première fois que le Domitia est confronté à la tourmente. Nous allons reprendre le contrôle et nous rejoindrons ensuite Guebourah. 

— D’accord…

— As-tu des questions pour moi ?

— Et bien…

La voix de Michael s’étiola en un filet étouffé. 

— Michael, reprit Zinebiel. Je te sens troublé. Tu ne dois pas t’en vouloir pour ce qu’il s’est passé. N’oublie pas que tu m’as sauvé moi, et les autres capit’ailes. 

— Je crains d’avoir causé plus de dégâts qu’autre chose…

— Tu as brisé notre confinement certes, mais tu es venu nous sauver des démons juste après, dit Zinebiel. Tu as été courageux. 

— J’ai perdu le contrôle de moi-même avec… ce Sang d’Adam… C’est comme si j’avais libéré un démon en moi. Au début je ne me souvenais plus de rien mais… Maintenant je fais des rêves… Je goûte du sang élohien dans ma bouche… J’ai été transformé pendant l’assaut et…
Zinebiel se tourna alors vers Nana, qui lui rendit un regard défiant. 

— Le Sang d’Adam t'a transformé en monstre oui… Enfin, il a précipité ta forme apocalyptique et prit le contrôle de tes instincts les plus violents. C’est une chose que le Sang d’Adam fait. Je suppose que cet agent de Géhenna ne t’avais pas informé de cela. 

Nana leva les yeux au ciel. 

— Tu n’es même pas vraiment au courant de ce qu’est Géhenna non ? 

— Nous sommes une agence qui préserve les intérêts de Guebourah, affirma Nana. Tu ne peux pas dire le contraire. 

— Vous êtes le jouet d’un oracle guerrier sans scrupules.

— Un oracle guerrier qui a sauvé le front de l’Abysse en négociant des renforts de Hod, et l’aide d’un courageux petit Fitzarch, dit Nana. 

— Un Fitzarch qui semble ravi d’avoir reçu vos bénédictions…

— Plus de Sang d’Adam pour moi, décida Michael. C’est terminé. Je ne veux pas de ce cœur. 

— Tu ne vas pas rester avec un seul cœur ! s’indigna Nana. 

— J’en ferai pousser un autre, sans sang d’Adam à l’intérieur. 

Nana soupira, levant les yeux au ciel. 

— Michael ne sera pas votre pantin, annonça Zinebiel. 

— El ne sera pas le tiens non plus, menaça Nana. 

— Je ne compte pas le manipuler… 

Nana poussa un souffle exaspéré. Michael resta silencieux, pensif. 

— Je reste à disposition, dit alors Zinebiel à Michael. N’hésites pas à m’appeler si tu as besoin de quoi que ce soit. 

— Pareillement, dit Michael. Quand j’irai mieux, je souhaite aider. Sans le sang d’Adam dans mes veines, je pourrai combattre et soigner sans perdre le contrôle et faire courir un danger aux autres…

— Concentre-toi sur ta convalescence, demanda alors Zinebiel, en souriant tendrement. Ne te fais pas de soucis pour nous. Prends le temps de guérir. Le Domitia a besoin de toi, mais seulement quand tu seras prêt.

Michael acquiesça. Zinebiel se leva, se dirigea vers la porte, mais s'arrêta un instant pour échanger un regard avec Nana. 

— Pas d’entourloupes, agent de Géhenna…

Nana souffla. Puis, Zinebiel quitta la pièce, laissant Michael seul avec el.

Un silence s'installa, seulement troublé par les légers bips des appareils médicaux. Nana s'approcha du lit, les yeux rivés sur le jeune Fitzarch. Sous son regard apaisant, une tempête grondait, mais el fit tout pour la contenir.

— Tu es sûr de ta décision ? demanda-t-el finalement, un sourire sarcastique flottant sur ses lèvres.

Michael tourna la tête vers el, son regard reflétant une détermination nouvelle.

— Oui. Je veux être maître de moi-même. Je ne veux plus être influencé par le Sang d’Adam ou de quoi que ce soit d'autre.

Nana lâcha un petit rire amer, secouant légèrement la tête.

— Bien sûr. Et pendant que tu t’épanouis dans ta noble quête d’indépendance, que crois-tu que Zinebiel va faire de toi ? El ne te remercie pas pour rien, tu sais. El compte sur toi pour maximiser ses chances d’arriver sain et sauf à Guebourah. Pas besoin de Sang d’Adam pour ça, hein ?
Michael haussa les épaules, indifférent.

— Si je peux être utilisé pour une bonne cause, ça ne me dérange pas.

Nana plissa les yeux, son regard se durcissant l’espace d’un instant avant qu’el ne reprenne une expression plus neutre.

— Tu sais quoi ? L’utilisation du Sang d’Adam est aussi une bonne cause. Une méthode éprouvée qui aurait fait de toi un atout encore plus précieux. Mais bon, ton choix, n’est-ce pas ?
Michael releva la tête, visiblement agacé.

— Nana, laisse-moi me reposer, dit-il sèchement.

Nana esquissa un sourire forcé, une fausse joie illuminant son visage.

— Mais bien sûr, Michael. Repose-toi bien. Je suis sûr que demain, tout te semblera beaucoup plus clair.

El ajusta les couvertures sur Michael avec un soin exagéré, avant de tourner les talons et de sortir de la chambre. La porte se referma doucement derrière el, ne laissant dans la pièce que le bruit des appareils médicaux et le souffle régulier de Michael qui sombrait dans le sommeil.

Michael passa toute la journée dans son lit, entre un sommeil tourmenté et un éveil confus. La lueur douce des appareils médicaux baignait la pièce d’une atmosphère rassurante, bien qu’étrangement monotone.

Le soir venu, un froissement léger se fit entendre, et Michael tourna la tête vers la porte. Sasha entra, ses ailes fines et élégantes repliées avec soin, un sourire fatigué accroché à ses lèvres. Sans un mot, el s’approcha et s’installa près de Michael, se blottissant contre lui comme pour trouver un instant de répit. Michael passa un bras autour de ses épaules, sentant la chaleur familière de son compagnon. El remarqua immédiatement la tension dans son corps.

— Tu travailles trop, murmura Michael, sa voix rauque par le repos imposé.

Sasha émit un rire léger, presque imperceptible, mais el ne nia pas.

— Peut-être. Mais il le faut bien. Moi et mes artistes sommes devenus les protecteurs du Domitia. Mes principautés font un travail incroyable, elles donnent tout...

Michael acquiesça, gardant le silence. El savait ce que cela signifiait. Les principautés artistes de Sasha étaient partout : dans les coursives, les hangars, les salles communes. Chants, danses et représentations scéniques résonnaient à travers le vaisseau, formant un tourbillon d’énergie et d’émotion qui dissuadait les démons du temps de sortir de leurs cachettes.

— Leur agitation empêche les démons de nous attaquer, ajouta Sasha, comme s’el lisait dans ses pensées. Mais je sais que c’est épuisant pour els. Pourtant, personne ne se plaint. Els se sentent investis d’une mission qui dépasse tout. La vie ou la mort. Les autres élohim leur en sont si reconnaissants… Els participent sans montrer leur peur. Els ont confiance en nous. 

Michael hocha la tête. El voyait la fierté dans les yeux de Sasha, mais aussi une fatigue écrasante. Ses traits étaient tirés, son halo scintillait faiblement.  Sasha portait encore des pansements thaumaturgiques sous son uniforme, dissimulant les blessures qu’el avait subies lors de l’assaut de la Flèche.

— Tu n’as pas eu le temps de te reposer, murmura Michael.

— Ne dis rien à Zinebiel, s’empressa Sasha en secouant la tête. El a déjà assez à gérer.
Michael fronça les sourcils, mais el n’insista pas. El comprenait Sasha, son désir de ne pas inquiéter davantage son cher capit'aile. 

— Zinebiel est passé plus tôt dans la journée, dit Michael après un moment. Ça s’est bien passé… enfin, plus ou moins. C'est... compliqué avec Nana.
Sasha leva les yeux vers lui, intrigué.

— Une tension ? Que se passe-t-il entre Nana et toi ?

Michael haussa les épaules, mal à l’aise.

— Rien de particulier, je suppose. Nana est… insaisissable. El semble en savoir beaucoup plus que ce qu’el veut bien dire. J'ai du mal à cerner ce qu'el attend de moi. 

— Qui est Nana exactement ? demanda Sasha, sa curiosité s’éveillant. Et qu’est-ce que Géhenna, au juste ?
Michael soupira, fixant le plafond comme s’il espérait y trouver des réponses.

— Géhenna… C’est une agence. Une organisation qui préserve les intérêts de Guebourah, paraît-il. Els disent vouloir m'emmener à Guebourah pour que j'aide là-bas, mais leurs intentions sont floues. 
El s’interrompit, cherchant ses mots.

— En plus, Nana connaît les démons du temps, poursuivit-il finalement. El semble bien les connaitre. J’ai l’impression que cela a un lien avec ce qu’el appelle le Reflet.

— Le Reflet ? demanda Sasha en se redressant. Qu’est-ce que c’est ?

Michael lui raconta brièvement ce qu’el savait, que le Reflet était une dimension parallèle, qu'el l'avait brièvement visité et que Nana s'en était servi pour localiser les démons du temps durant l'assaut de la Flèche. Sasha l’écouta avec attention, son regard se faisant plus grave à mesure que Michael parlait.
Finalement, le jeune Fitzarch sortit l'akshoka de sa poche. 

— Cet objet m'a permis de communiquer avec Nana dans le Reflet. 

— Oh... C'est la petite boule de cristal que j'avais trouvé dans tes affaires....

Michael se souvint avec gêne du moment où el avait agressé le pauvre Sasha verbalement, l'accusant de fouiner dans ses affaires. 

— Nana dit que c'est un "akshoka", mais refuse de m'éclairer davantage à son sujet. J'aimerais bien comprendre ce que c'est vraiment. 

— C'est Nana qui t'as donné ce petit cristal ?

— Non.... C'est... Quelqu'un m'a confié cet objet il y a un moment, sans me dire ce que c'est... Je dois l'apporter à un éloha important, dès que j'en aurai l'occasion.

— Ce cristal… Tu devrais en parler à Zinebiel. Si c’est aussi important que tu le penses, el pourra t’aider à en comprendre la nature.

Michael acquiesça doucement, le regard perdu dans le vide. La conversation avec Sasha était à la fois rassurante et troublante. El serra un peu plus fort son compagnon contre lui, cherchant dans cette proximité un instant de paix.

— Merci, Sasha. Je le ferai.

Sasha sourit doucement, mais son halo trahissait encore son épuisement. Michael le remarqua, mais garda le silence. Dans ce chaos, els trouvaient des moments de répit l’un dans les bras de l’autre, et pour l’instant, c’était suffisant.

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