Thésée 1: Mission inaugurale by Aquilus_Decimus | World Anvil Manuscripts | World Anvil
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Station Epsilon

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La puissante alarme sonore et visuelle, signe d'un danger imminent retentit à travers le vaisseau. Chacun des membres de l'équipage savait ce qu'il devait faire dans ce genre de cas. Les alertes rouges étaient rares, mais pas impossibles et dans ce genre de situation chaque seconde comptait. Le commandant se dirigea à toute vitesse vers le pont principal, accompagné de son escouade.  

Sur l'écran principal, il eut un aperçu de la situation. Epsilon était assiégé par une flotte de Sauvages de l'Est. Bien que moins farouches que leurs cousins de l'Ouest, ils compensent leur puissance physique par une plus grande intelligence. Les lézards avaient visiblement pris le contrôle de la station, en raison du manque de riposte des canons de défense. Les vaisseaux n'étaient pas très puissants ni très résistants, étant sommairement composés de corail spatial que les sauvages élevaient en orbite de leurs planètes. Ils les équipaient ensuite de technologies obsolètes récupérées dans leurs pillages. Leur grand nombre posait néanmoins un grave problème. Le Thésée, bien que théoriquement plus puissant allait avoir du mal à résister à un assaut frontal.

— Commandant, je vais vous confier une mission cruciale, cela sera votre baptême de sauvetage. Introduisez-vous dans la station et réactivez les défenses. On va retenir l'attention de la flotte pour vous laisser agir, mais on ne tiendra pas indéfiniment et notre armement n'est pas suffisant.
— À vos ordres mon capitaine.
Bertinelli, le visage fermé, déjà en pleine réflexion quant à la stratégie à suivre, quitta le pont de commandement. Ortega et Sigurdsonn le suivirent immédiatement.
— Major, pour cette fois, vous resterez ici. La mission est trop cruciale et vous n'êtes pas encore prêt.
— Totalement d'accord mon commandant.
— Lieutenant, ça sera à nous de jouer. Le capitaine va nous téléporter directement dans la station, on ne sait pas qui sera là pour nous accueillir. Prenez tout ce dont vous pourriez avoir besoin afin de réparer les commandes de défenses, on ne sait pas dans quel état on les retrouvera. Ces lézards ont sans doute saboté voire détruit le panneau. Retrouvez-moi à l'aire de départ dans 5 minutes.

Le groupe se sépara. De son côté, le capitaine devait opérer une manœuvre délicate afin de permettre au commando de s'infiltrer. Une navette serait sous le feu ennemi, donc il fallait procéder à une téléportation. Mais les choses ne sont pas si simples. Une téléportation ne peut pas se faire n'importe comment. Le vaisseau possède plusieurs projecteurs qui envoient un rayon de lumière invisible, c'est ce rayon qui permet la téléportation. Lors d'une téléportation en extérieur, cela ne pose pas de problème, mais pour téléporter en intérieur il faut que le rayon soit capté par un récepteur. Et afin de pouvoir atteindre le récepteur, il va falloir se mettre à portée des vaisseaux ennemis. Le Capitaine fit réguler les flux d'énergie du vaisseau, optimisant au maximum les boucliers. Au niveau des armements, le Thésée était équipé de simples lasers de forages. Il n'était pas pensé pour les combats spatiaux, sa vitesse suffisait généralement à semer les ennemis. Mais là, il n'était pas question de fuir.

Le vaisseau commença sa manœuvre. Les vaisseaux sauvages ouvrirent le feu, les boucliers du Thésée encaissèrent sans problème les salves. L'armement sauvage était archaïque, de simples projectiles explosifs sans amélioration au cosmonium ou au drievium comme les armes de l'Alliance. Le vaisseau se mit dans la bonne inclinaison et déploya son rayon de téléportation.

Bertinelli et Ortega se retrouvèrent transportés dans la station. Au moment où ils apparurent, des sauvages étaient présents. Les deux humains les prirent de vitesse et les abattirent en une fraction de seconde avant de se mettre à couvert et préparer la suite.
— Thésée, ici commando, arrivé sur site. Faible présence sauvage.
Le commandant et le lieutenant étaient tous deux équipés de leur amure de combat, comportant un blindage lourd, un bouclier déflecteur et un casque tactique. L'armure permettait également de survivre en milieu de vie hostile. Au vu des capteurs, l'air était respirable, bien que très froid. Les systèmes de survie de la station étaient sans doute en partie endommagés. Bertinelli pensa silencieusement que dans leur bêtise, les lézards auraient pu tous se tuer s'ils avaient interrompu le système d'oxygénation. Les besoins en air des lézards étaient proches de ceux des humains, un incident de ce type pourrait tuer toutes les personnes à l'intérieur. Il fallait donc faire vite avant qu'un de ces sauvages ne fasse une erreur irréparable.

Le commandant rétracta son casque afin de prêter attention à son environnement. Le lieutenant observa son commandant, un peu songeuse. 
— Trois autres arrivent par ce couloir, suivez moi.
Sans chercher à comprendre comment il pouvait le savoir, le lieutenant obéit. Ils se mirent à couvert dans l'angle du couloir. Le commandant déchargea une salve rapide et abattit les trois lézards avant qu'ils aient eu le temps de réagir. La manœuvre était impressionnante de rapidité et de précision. Lors de son affectation dans l'équipage du Thésée, le lieutenant avait consultée les dossiers des officiers de commandement. Elle avait été intriguée par celui de Bertinelli en raison du grand nombre de passages censurés. Après la guerre, il avait visiblement rejoint les forces spéciales de l'Alliance, ce qui expliquait ses compétences de terrain. Mais difficile pour elle de savoir à quel point il avait participé aux opérations obscures de l'Alliance. Il était de notoriété publique que des groupes de dissidents politiques avaient aidés les sauvages à lutter contre les forces de l'alliance. Elle savait que les principaux responsables de cette trahison avaient été traqués par les forces spéciales. Mais elle n'avait aucun contact parmi eux et ne connaissait donc pas les détails ni l'ampleur de cette chasse aux traîtres. Dans tous les cas, être à un poste de second dans un vaisseau aussi prestigieux à même pas quarante ans était une preuve de ses compétences et de son engagement au sein d'ARGOS.

Le commando continua son chemin prudemment à travers les couloirs. Afin de se repérer, ils pouvaient compter sur leurs IVA. Chaque soldat de l'alliance possédait un implant informatique permettant de les aider dans de nombreuses tâches, dont la traduction automatique et diverses aides tactiques. Dans ce cas précis un plan de la station. Les informations étaient directement transmises à leurs yeux grâce à une lentille. Ces lentilles pouvaient également offrir une certaine protection contre la lumière en devenant plus opaque. Mais généralement, les tenues de combat offraient des protections plus efficaces directement intégré dans les casques. Ortega interrompit la marche de Bertinelli.

— Commandant, ici c'est un poste de surveillance, dit-elle en pointant la porte à côté d'eux.
— Très bien, on va entrer.
Le lieutenant se mit sur un des côtés de la porte, le commandant devant, prêt à entrer en force. Il analysa rapidement la situation et actionna la commande d'ouverture. Au moment où la porte s'ouvrit, il abattit deux lézards pris de vitesse. Puis un troisième qui tenta de dégainer maladroitement son arme. Mais un quatrième tenait en otage un employé de la station. Une douzaine de personnes étaient retenues dans la pièce. Le lézard preneur d'otages poussa un petit cri, proche de celui d'un chat mécontent, mais en plus pénible encore. Il se tenait derrière son otage, le bras en travers de la gorge et l'arme pointée sur la tête de l'humain. Bertinelli n'hésita pas et tira une balle en plein dans la tête du lézard qui s'effondra au sol sans vie. L'otage était quelque peu choqué d'avoir entendu le projectile si près de son oreille.
— Rassurez-vous, nous sommes d'ARGOS. Commandant Bertinelli du Thésée et voici le lieutenant Ortega. Nous sommes là pour vous secourir.
Conscient du choc que son intervention musclée avait causée, Bertinelli prit le temps de détacher les otages.
— Si quelqu'un a des informations concernant la situation des systèmes de défense, informez le lieutenant, je vais patrouiller rapidement.

L'un des otages, visiblement un technicien s'approcha du lieutenant.
— On a pas compris ce qu'il se passait, tout allait bien puis d'un coup, ils sont arrivés avec leurs capsules. Les tourelles ne se sont pas mises en route...
— Cela veut dire qu'ils avaient déjà du monde à l'intérieur... Vous avez eu des visiteurs inhabituels dernièrement ? Demanda le lieutenant.
— Euh non, pas que je sache, hésita le technicien, on attendait votre arrivée pas grand-chose de plus.
Ortega réfléchit à la situation quelques secondes.
— Attendez, vous étiez au courant de notre arrivée ?
— Oui, presque tout le monde était impatient de voir le fameux Thésée. C'est un sacré bestiau que vous avez. C'est rare de croiser l'un des Argonautes.
— Oui, tout aussi rare que les Sauvages qui attaquent une station de l'alliance... Merci de votre coopération.
Ortega s'éloigna du technicien, plutôt inquiète de la situation. Elle fit part de ses soupçons au commandant.
— Théorie intéressante lieutenant, on tentera de la vérifier une fois le contrôle de la station repris. Et cela va s'avérer complexe, ça grouille de lézards en direction du poste de commandement. 
— Oh, commandant, ce n'est pas une armée de sauvages qui va vous arrêter tout de même plaisanta Ortega.
— À partir d'un millier, ça me force à réfléchir. 

Le commando se prépara au combat. Malgré leur ton léger, la situation était critique. La meilleure tactique était de séparer les lézards et de réduire leur nombre progressivement. La tactique de Bertinelli était simple, ils allaient profiter des faiblesses visuelles des lézards en les aveuglant. Ils étaient très sensibles aux lumières vives clignotantes. Pour cela, Ortega se connecta au système de sécurité de la station et activa les alarmes visuelles et sonores. Les couloirs s'illuminèrent de rouge. L'élimination des lézards sur le chemin fut alors assez simple. Perturbés par les lumières, ils ne parvenaient pas à se concentrer et à viser. En quelques minutes, le commando prit possession du poste de contrôle des tourelles.
— Commandant, j'ai une mauvaise nouvelle. Je ne peux pas reprendre le contrôle des commandes, elles ont été piratées. Elles sont opérées à distance. Je ne peux pas faire grand chose pour empêcher ça, mais je vais tenter de tracer le signal pour savoir où se situe le pirate. Laissez-moi quelques minutes.
— Réglez ça avant que les lézards arrivent à désactiver l'alarme.
Comme pour se moquer de lui, l'alarme s'interrompit au même moment.
Le commandant soupira.
— Ils ne sont pas capables de faire ça seuls, quelqu'un les aide, c'est sûr, constata Ortega.
Commando, ici le Thésée, je ne sais pas ce que vous faîtes, mais ça ne marche pas. Les tourelles nous visent.

À bord du Thésée la situation devenait critique. Les tirs des vaisseaux Sauvages avaient été encaissés sans trop de problèmes, mais soudainement les tourelles de défense de la Station s'étaient mises en route et pointées sur le Thésée. Elles ne faisaient toutefois pas encore feu.
— Bon sang, c'est le pirate ! Il essaye de nous forcer la main en menaçant le vaisseau. Je continue commandant ? Demanda Ortega.
— Oui, de toute façon, il faut qu'on retrouve ce type. Rien ne nous dit qu'il ne fera pas feu si vous abandonnez sa traque. Thésée, les tourelles ont été piratées, nous allons partir à la poursuite du pirate et l'éliminer. Tenez bon.
Bien reçu commandant, on compte sur vous. On tiendra autant de temps que possible sous le feu des tourelles, mais à un moment donné, on devra partir et vous serez seuls pour régler la situation.
— Pas de problèmes capitaine. On s'en occupe.
— Trouvé, il n'est pas loin. Mais c'est là-bas que sont le gros des troupes sauvages.
— Rien d'étonnant. J'ai bien fait de prendre ces petites merveilles.
Il donna au lieutenant une poignée de grenades au cosmonium. Pratique à utiliser dans des intérieurs critiques comme ceux d'une station ou d'un vaisseau elle explosaient en une décharge énergétique ne causant que de très faibles dégâts matériels. Elles pouvaient en plus de cela être directement tirées depuis les fusils d'assaut d'ARGOS. Le commando installa les petites grenades dans l'emplacement prévu et partit à l'assaut.
La première grenade neutralisa les trois lézards qui s'approchaient.
Le lieutenant en élimina cinq autres avec deux décharges. Le stock de grenades des deux soldats y passa rapidement et les effectifs sauvages se réduisirent drastiquement. Les deux derniers furent abattus par le commandant. La zone maintenant nettoyée, Bertinelli pénétra dans le local où était caché le pirate. Il s'agissait en effet d'un humain qui tenta vainement de tirer sur le commandant, ce dernier ne lui laissa évidemment pas le temps de réagir et le neutralisa, le laissant tout de même en vie, en lui tirant simplement une balle dans le bras afin qu'il lâche son arme. Il s'approcha rapidement du traître et le plaqua contre le mur en l'agrippant au niveau de la gorge et appuyant sur sa blessure avec son autre main.

— Pour qui tu bosses vermine ? Crache le morceau avant que je te fasse regretter ta naissance, menaça le commandant dans une fureur inattendue.
Le pirate eut un petit rire étouffé dans sa douleur.
— Vous avez sauvé votre joli vaisseau, vous êtes contents chiens du Conseil ? dit le pirate cherchant à provoquer le commandant.
À ces mots, le visage de Bertinelli changea. La colère qu'il montrait afin de faire peur au pirate se changea en pure froideur. Il assomma le pirate d'un violent coup de poing. Il retira ensuite une prothèse dentaire de la bouche du traître.
— Il fait partie d'un groupe de dissidents anti-alliance. Ils préfèrent se donner la mort plutôt que de se faire capturer, dit le commandant en direction d'Ortega qui se posait visiblement des questions.
Le lieutenant savait de quoi son chef était capable, mais le voir en action était bien plus parlant que son dossier. Bien que compétente, elle n'était pas habituée aux opérations sur le terrain et encore moins quand des histoires de trahisons et dissidences politiques étaient impliquées.
Alors que le lieutenant reprenait le contrôle des tourelles, les scanners spatiaux détectèrent l'arrivée imminente d'un autre vaisseau d'ARGOS. Le Jason un autre vaisseau d'élite, mais au contraire du Thésée qui était destiné à l'exploration lui était conçu pour le combat.


L'arrivée du Jason fut littéralement explosive, aussitôt sorti d'hyperespace, il déversa un flot de drones de combat qui éradiqua la flotte des Sauvages en seulement quelques minutes. Cette technologie de drones de combat avait été récupérée d'une mission scientifique. Une technologie des habitants du Cœur de la Galaxie retrouvée par hasard se fixa au vaisseau et l'équipa de ces drones. Toutes les tentatives des techniciens d'ARGOS afin de l'extraire échouèrent. Néanmoins, l'arme était sous le contrôle du vaisseau et ne présentait pas de risques. Les quelques données de l'Alliance concernant les habitants du Cœur faisaient mention de technologies abandonnées utilisables. Les créateurs de la Bibliothèque d'Agora, source des connaissances de l'Alliance sur la Galaxie, utilisaient déjà des technologies du Cœur plusieurs milliers d'années avant que l'Alliance ne récupère cette Bibliothèque et ne l'utilise comme capitale. 

Alors Thésée, des soucis avec les lézards ? Heureusement qu'on était dans le coin. 

Comme beaucoup de capitaines d'ARGOS, celui du Jason avait participé à la guerre des Raids en compagnie du colonel Andersen. Avec l'aide des troupes du Jason le contrôle de la Station Epsilon fut vite repris. Il s'avérait que le vaisseau de combat devait se rendre sur la Station afin de se ravitailler. Au moment d'arriver, il détecta la présence des vaisseaux sauvages et du Thésée. 

Mais un mystère demeurait toujours, pourquoi prendre le risque d'attaquer une station d'ARGOS en sachant pertinemment que deux des Argonautes seraient sur place au même moment. Une seule personne pouvait encore y répondre et grâce à la délicatesse du commandant, cette personne respirait encore. 

Le commandant Bertinelli confia le pirate, chef du groupe de Sauvages, aux hommes du Jason. Une fois en cellule dans le vaisseau, les interrogateurs de l'équipage allaient pouvoir tenter d'obtenir des informations.  
Pendant ce temps, l'équipe de commandement du Thésée allait assister à une réunion d'informations concernant les renseignements que les scientifiques de la station possédaient concernant ce fameux vaisseau qui se téléporterait. La salle de réunion était arrangée à la façon d'une salle de classe, avec de nombreuses tables et chaises. Le commando de Bertinelli s'installa à une table. Le colonel Andersen arriva peu de temps après et s'installa à côté de son second.
— Je ne m'attendais pas à ce genre de réunion, on sera plus nombreux que je ne le pensais ,dit le colonel perplexe.
— Oui, plusieurs scientifiques d'ARGOS vont participer à la réunion et seront ensuite envoyés dans des vaisseaux, précisa Sigurdsonn. C'est d'ailleurs l'Amiral Malikai qui va nous faire l'honneur de cette présentation. C'est l'un des plus grands spécialistes en histoire galactique.
À l'annonce du nom de l'amiral, Bertinelli soupira.
— Vous êtes un de ses admirateurs Major ? Il ne vaut mieux pas que je vous présente alors, nous ne sommes pas en très bons termes tous les deux, plaisanta le commandant.
— Oh, à cause de quelque chose en particulier ? demanda Sigurdsonn.
— Il m'accuse d'avoir corrompu sa fille, dit Bertinelli en haussant les épaules. On était tous les deux sous les ordres de notre cher Colonel durant la guerre. Puis après elle a quittée ARGOS et est devenue mercenaire en coupant les ponts avec sa famille.
Le colonel tourna la tête.
— Vous parlez d'Agata ? C'était l'un des meilleurs soldats que j'ai eu sous mes ordres. Étonnant d'ailleurs vu les talents de son paternel.
Le commandant et le colonel rirent ensemble. Évoquer ces anciens souvenirs, même si c'était des souvenirs de la guerre avait quelque chose d'agréable. Malgré le fait que cette période fut particulièrement pénible, le commandant s'était fait des amis pour la vie sur le front.

En quelques minutes, une cinquantaine de personnes remplirent la salle de conférence. En grande partie des militaires mais également quelques scientifiques comme Sigurdsonn, reconnaissables grâces à leurs uniformes bleus. Le fameux Amiral Malikai arriva ensuite.
Éminent historien, il ressemblait à une caricature de l'intellectuel guindé. Habillé de sa toge de cérémonie informant son audience qu'il est professeur à l'Académie d'Olympus, petites lunettes tombants sur le nez, cheveux blanc dégarnis mais surtout voix nasillarde particulièrement désagréable. Le commandant ne savait pas s'il aurait été autant irrité si ce même Amiral n'avait pas essayé de le faire limoger d'ARGOS, mais au vu de la réaction amusée du Lieutenant Ortega cela ne venait pas que de lui.

— Bien, vous savez tous pourquoi vous êtes ici, je vais donc être bref. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet je vais être dans l'obligation de vous faire une rapide présentation des forces galactiques. Sachant le niveau d'enseignement que vous avez reçu à l'Académie de la Terre ce ne sera pas de trop.

L'amiral afficha sur l'écran une carte de la Galaxie.
-En rouge notre bonne vieille alliance. De chaque côté en gris nous avons les espaces sauvages Ouest et Est. Rien de particulièrement intéressant dans ces régions infestées de lézards. En vert, nous avons le Secteur du Conglomérat, détenu d'une main ferme par une race d'humanoïdes aux corps très fins qui ont développé le capitalisme à un point presque absurde. Ils marchandent de tout, y compris les émotions. Ils ont un niveau technologique bien plus grand que le nôtre. En jaune nous avons l'empire des Daz, un collectif de races insectoïdes qui désirent rien de moins que la conquête absolue. Heureusement pour nous, ils se battent tout autant entre eux qu'avec leurs voisins. Nos rares contacts avec leurs émissaires se sont bien déroulés mais nous ne savons pas jusqu'à quand. Au centre de la Galaxie nous avons le Cœur et sa périphérie, la région la plus dangereuse en raison des puits gravitationnels. Le Cœur abrite une civilisation ancestrale qui s'aventure parfois dans notre secteur et y délaisse des technologies.
Nous ne détenons pas ses informations par nos seuls vaisseaux Odyssée, la Bibliothèque d'Agora, héritage d'une ancienne civilisation, nous a permis d'en savoir beaucoup plus sur notre foyer cosmique.
Passons maintenant au cœur du sujet. Un objet spatial non identifié a été repéré brièvement à plusieurs points du Secteur et de l'espace sauvage. De nombreux relevés ont été faits à ces endroits, mais rien de concluant n'a été constaté. La vitesse de l'engin est telle qu'il semble apparaître de nul part puis disparaître tout aussi soudainement. Les paranoïaques du Haut-Conseil s'imaginent déjà une tentative d'invasion Daz, mais en tant que professionnels nous allons rester prudents sur les accusations sans fondements. Cela pourrait tout aussi bien être des habitants du Conglomérat ou du Cœur, voir même de la Périphérie. Chacun de vos vaisseaux vont recevoir un des emplacements précédents de l'objet. Vous possédez tous un bien meilleur équipements que les équipes de la station. Vous enverrez ensuite vos résultats au Thésée, commandé par le Colonel Andersen. C'est ensuite lui et son... commandement qui déciderons de la suite de cette histoire.

L'Amiral conclut sa présentation en déposant lourdement une pile de documents sur la table et alla répondre aux quelques questions des plus jeunes scientifiques présents.
— Toujours fan ? demanda Bertinelli en direction de Sigurdsonn.
— Euh, je ne sais pas trop, en tout cas je comprends pourquoi nous ne l'étudiions pas à l'Académie de la Terre...
Le Dr Akiléos, le médecin du Thésée alla saluer son collègue Malikai. Ils échangèrent quelques banalités puis le docteur retourna auprès de ses collègues du Thésée.
— Toujours aussi insupportable cet abruti. Je me souviens de ses humeurs lorsqu'il avait tenté de s'en prendre à vous commandant. Je ne vous connaissais pas du tout à l'époque, mais j'étais déjà de votre côté.
— Merci docteur, répondit amicalement le commandant. Malheureusement je pense qu'il va falloir le supporter quelques temps, il a l'air d'être en charge de ce dossier.
— Oui, mais il reste ici, il n'est pas du genre à beaucoup voyager.
Malikai et le commandant échangèrent rapidement un regard froid lorsque le Thésée récupéra son plan de mission. L'Amiral détourna le regard et quitta la pièce sans plus de cérémonies.
Le colonel comprit pourquoi il avait fuit aussi rapidement, il envoyait le Thésée dans un voyage de plusieurs semaines en plein centre de l'espace sauvage. Comme par hasard le point le plus éloigné de toutes les zones à inspecter.

Dans le Jason, cela faisait maintenant plusieurs heures que les interrogateurs tentaient d'arracher quelques informations au pirate. Mais rien ne fonctionnait, il semblait immunisé aux différentes drogues qu'on lui injectait. Il gagnait la bataille mentale face à ses geôliers. Les méthodes archaïques de torture avaient été abandonnées depuis longtemps au profit de drogues visant à délier les langues. Mais face aux individus les plus solides il fallait trouver la bonne dose et le bon mélange sans leur causer de dommages irréversibles. Les interrogateurs commençaient à se décourager et afin de ne pas montrer de signes de faiblesses prirent une pause bien méritée.

La conférence maintenant terminée, le Thésée se prépara au départ. Les provisions furent complétées et le réacteur au cosmonium décrassé. La découverte de ce minerai incroyable avait permis aux Terriens de développer des sources d'énergie presque inépuisables. Une simple rotation de plusieurs anneaux en cosmonium placé au cœur d'une sphère de drievium, un autre de ces minerais stellaires, permettait de générer de l'énergie. Il suffisait de nettoyer ce cœur de temps en temps afin d'éviter les frottements superflus.
Bertinelli disposait d'encore quelques heures avant le départ. Il en profita pour se rendre sur le Jason afin de prendre des nouvelles de son cher prisonnier. Le Jason, en tant que vaisseau conçu pour la guerre, était plus massif que le Thésée, plus impressionnant vu de l'extérieur et visiblement moins confortable une fois à l'intérieur. Les douces moquettes du Thésée étaient ici un simple sol dur et froid. Cela lui rappelait les vaisseaux qu'il avait fréquenté lorsqu'il faisait parti des forces spéciales de l'Alliance. Il prit la direction des cellules et aperçu les geôliers en train de déguster un sandwich. En voyant le commandant ils se mirent aussitôt au garde à vous, quelques miettes sur leurs uniformes.
— Repos messieurs, comment ça se passe avec notre invité ? demanda le commandant.
— C'est compliqué, il résiste à nos drogues. Vous nous aviez dit qu'il serait résistant mais à ce point c'est irréaliste, se plaignit l'un des soldats.
— Je comprends votre frustration, ce genre de fanatique est insupportable. Avertissez moi si vous obtenez des informations, je les transmettrais à mes anciens collègues des forces spéciales.

Cette histoire de terroriste humain travaillant avec des lézards préoccupait le commandant, mais il ne pouvait rien faire de plus. Il ne travaillait plus avec Cronos, le nom des forces spéciales de l'Alliance, il n'avait donc plus la possibilité d'intervenir dès qu'il en avait envie. Il fallait laisser les hommes du Jason à leurs occupations. Il quitta donc les cellules et alla à nouveau remercier le capitaine du vaisseau de son intervention salvatrice de l'autre jour.

Dans le messe du Thésée, Ortega et Sigurdsonn déjeunaient ensemble en faisant le bilan de ces derniers jours. Tous deux propulsés au rang d'officiers de commandement grâce à leur appartenance au commando de Bertinelli, ils devinrent facilement amis en raison de leurs points communs : une certaine inexpérience. Lors de la libération de la station, Sigurdsonn avait été laissé sur le vaisseau en raison de son inaptitude au combat. Bien que gradé, il était un scientifique et n'était pas fait pour le combat. Ortega raconta donc les détails de la mission. Elle revint sur un détail en particulier qui avait retenu son attention.
— Lorsque nous étions dans le couloir, il a deviné le nombre de Sauvages qui allait arriver sur nous. C'est comme s'il avait... sentit leur présence. Et puis le coup du pirate, comment a-t-il deviné pour le poison ?
— C'est simplement un très bon soldat, répondit Sigurdsonn.
— Oui, mais là... C'était impressionnant, j'ai déjà rencontré des membres des forces spéciales de l'Alliance et ils ne lui arrivaient pas à la cheville.
Sigurdsonn eut un petit sourire malicieux.
— Quoi ? demanda Ortega agacée.
— Tu devrais lui poser la question. C'est peut-être notre chef, mais il faut pouvoir lui faire entièrement confiance. Il ne faut pas que tu restes avec des doutes. Surtout que ce n'est pas quelqu'un de difficile à aborder. Je suis sûr qu'il te répondra sans problème. Il a sans doute participé à un programme d’entraînement en réalité virtuelle où il a affronté une armée de lézards et depuis il connaît le moindre de leurs tactiques. Ou bien il vient du futur et connaît déjà tout ce qu'il va se passer. Ou bien...
Sigurdsonn continua pendant quelques minutes à élaborer des théories farfelues et à se moquer des questions étranges de son amie. Mais cela n'avait évidemment pas calmé les interrogations du lieutenant. Elle n'était pas inquiète, mais perplexe. En tant qu'ingénieure elle voulait toujours savoir comment fonctionnaient les choses, elle voulait une explication à tout ce qui l'entourait. Mais là elle ne comprenait pas. Après le repas elle décida alors de se lancer et d'aller poser la question au commandant.
Il était dans son bureau en train de déballer un colis, visiblement un modèle réduit de la station Epsilon qu'il avait acheté il y a quelques heures.
— Navrée de vous déranger commandant, mais j'avais une question à vous poser à propos de notre dernière mission.
— Dites-moi tout lieutenant.
Il déposa le modèle réduit sur l'une des étagères, à côté d'autres modèles de stations.
Ortega chercha pendant quelques courtes secondes ses mots.
— Je me demandais, comment avez-vous fait pour savoir que le pirate allait se suicider ?
— Ah, effectivement j’aurais dû vous expliquer. Ça a dû vous étonner. Cet individu fait parti d’un groupe de terroristes anti-alliance. Ils se font appeler les enfants de Tartaros, d’après la planète prison. Je n’ai jamais su ce qu’ils voulaient concrètement faire, mais ma première mission après la guerre fut de démanteler l’un de leurs laboratoires de recherches. Leur chef est un ancien scientifiques d’ARGOS. Il s’est progressivement spécialisé dans la recherche génétique et en particulier dans l’hybridation d’espèces. Ses recherches contraires à l’éthique l’ont poussés à quitter l’alliance. Je devais l’éliminer lui et toutes traces de ses recherches. Mais il avait déjà quitté son labo, ne restaient que quelques uns de ses assistants. L’un d’eux avait utilisé cette expression, « chien de l’alliance » juste avant de mettre fin à ses jours. Je vous passe les détails macabres concernant ses expériences ratées qui étaient restées sur place. On a malheureusement perdu la trace de ce fameux scientifique et j’ai passé le dossier à une autre équipe. Je fais encore parfois des cauchemars où je vois ces cadavres de chimères inhumaines. C’est ce genre de choses qui peuvent vous donner envie de tout arrêter. Moi ça m’a donné la force de continuer.

Ortega écouta attentivement l’histoire du commandant. Elle ne se rendait pas compte que sous son apparente bonne humeur, il avait vécu des éventements traumatisants comme la guerre ou ce genre de mission.
— Merci de m’avoir expliqué commandant. C’est très gentil à vous de me faire confiance, dit-elle en inclinant la tête comme marque de respect.
— Aucun problème lieutenant, répondit le commandant en souriant.
Ce petit moment de complicité était important autant pour le commandant que pour le lieutenant. La bonne entente au sein d’un équipage était primordiale. Faire de ses collègues des amis n’était pas forcément simple au vu des conditions de vie bien particulière, mais cela pouvait déboucher sur des liens durables et profonds. Bertinelli avait eu le plaisir d’en faire l’expérience sur le champ de bataille et il espérait que cela se déroulerait aussi bien au sein du vaisseau. 

Dans la cellule du Jason, la situation n’avait pas évolué. La nuit spatiale étant tombée, les gardiens allaient pouvoir se reposer. Le prisonnier était tout de même sous une surveillance certes réduite, mais étroite. Un plateau-repas lui était donné.
— Prends des forces pour demain pirate tu en auras besoin, dit le gardien en posant lourdement le plateau. Mange et surtout bois ton verre en entier.
A ces mots le prisonnier silencieux leva les yeux vers son geôlier et esquissa un léger sourire carnassier. Une fois le gardien sortit de la cellule le prisonnier prit le fameux verre et le but d’une traite. Le liquide était chaud et dégageait une légère fumée rouge. 

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